LE CHEVAL DE VOLTIGE

par PAUL LORENZ

Traduit de l'allemand par Michel Montfort

Il ne l'est pas de naissance, il faut le former.

Les groupes de voltige qui disposent d'un cheval bien dressé sont relativement peu nombreux, et c'est regrettable. Il faudrait cependant accorder beaucoup plus d'attention à ce problème puisque le succès ou l'échec, la joie et la sécurité dans la pratique de ce sport dépendent surtout du cheval approprié.

En concours, on voit constamment des groupes enthousiastes réaliser des choses presque incroyables sur leur cheval, bien qu'on ne puisse parler ni de cadence, ni de décontraction et d'équilibre du cheval.

Que ce soit en classe C, B ou A, les groupes d'élite sont toujours ceux qui disposent d'un bon cheval. C'est pourquoi il n'est plus rare de voir les instructeurs d'équitation prendre toujours eux-mêmes la longe en main. Ils sont à même de dresser un cheval, ils sont au contact des jeunes, pour eux ils choisissent et entraînent les chevaux et ils se mettent à leur place. Ils savent quand il s'agit de ménager un cheval dans le travail sous la selle avant un concours ou au contraire de forcer son entraînement. Quand le cheval est dressé on le doit d'une façon ou d'une autre à l'instructeur d'équitation, alors ce dernier peut le confier au moniteur de voltige, surveiller l'ensemble, donner au longeur de bons conseils spécialisés et reprendre de temps à autre le cheval. En va-t-il autrement dans un club pour le dressage ou pour le saut d'obstacle?

Beaucoup d'adultes, hommes ou femmes, se sont inscrits d'enthousiasme comme moniteurs bénévoles de voltige, se mettant à la disposition du club, y consacrant leurs loisirs, suivant des cours sans regarder à la dépense, mais ils n'apprennent pas à longer sous le contrôle de l'instructeur. Or on doit considérer au travail à la longe l'impulsion, la cadence, la décontraction, l'appui et le rassembler !

Le cheval de voltige

Petits chevaux, doubles poneys, Haflinger, Norvégiens, Islandais constituent souvent des montures de voltige tout à fait utilisables, s'ils présentent un galop bien rythmé et plein d'impulsion. Ces chevaux conviennent en particulier aux débutants comme des groupes de jeux, des groupes d'enfants. C'est pour eux " la joie de jouer sur un cheval au galop " ! C'est une façon d'amener à temps les plus petits à s'enthousiasmer pour l'équitation, avant qu'ils n'optent pour un autre sport.

Le cheval de voltige et le cheval de concours

Ce doit être de préférence un cheval de selle. Toutes les races conviennent. Il faut qu'il ait achevé sa croissance et soit âgé de 5 ans au moins ; qu'il ait atteint approximativement le niveau d'une reprise de dressage de classe A, et qu'il possède avant tout déjà un galop régulier. Le fait qu'il profite bien de ses rations en alimentation normale devrait être pris en considération et est souvent déterminant.
Le garrot ne doit pas être trop haut ni le dos trop saillant. Sans selle on est mal assis sur un cheval en forme de toit pointu, et debout encore plus mal. Il faut préférer le format longiligne au format bréviligne.

Le cheval bréviligne est souvent trop court du surfaix jusqu'à la croupe. Tenir debout sur lui à trois est souvent très difficile parce que le voltigeur arrière en vient à se tenir sur la partie de la croupe qui descend. De plus on manque de place sur le cheval pour les exercices à trois des figures libres. On ne peut éviter une certaine gêne, un manque de sécurité, et l'harmonie comme l'équilibre en souffrent.

Le cheval longiligne, même s'il est trop long d'un point de vue, offre au groupe plus d'avantages et restera toujours le meilleur en concours. Dans les exercices de figures libres, il y a plus de place sur le dos et il est frappant de constater combien les groupes disposant de tels chevaux présentent toujours, en figures libres comme en imposées, de bons voltigeurs debout.

  • Si la tête et l'encolure sont trop hautes ou trop basses, c'est un inconvénient pour le groupe.
  • Si le cheval est trop bas, il passe par dessus le mors et se met sur les épaules (en descendant).
  • Si le cheval est trop haut, la plupart du temps il garde le dos raide, sans décontraction, et n'a pas un galop cadencé et élastique. En outre cela rend plus difficiles les sorties (pardessus l'encolure) et les sauts de sorties (vers l'arrière).

Le modèle

Un modèle puissant de cheval de selle à large poitrail. La taille doit correspondre à celle des voltigeurs. Emplacement de la selle rond, croupe large, le tout pas trop court. Des membres solides et sains ! Ni trop allongés, ni trop fins avec un aplomb tout à fait correct des antérieurs et des pieds. Dans le choix d'un cheval de voltige il faut déceler et éliminer les tares molles et les suros, et surtout les vessigons (jarrets) sur les membres postérieurs. Des membres sains et d'aplomb sont juste ce qu'il faut pour un cheval de voltige. Non seulement ce qu'il faut, mais ce qui est indispensable si l'on considère qu'il s'agit de porter et d'équilibrer une charge allant jusqu'à 140 kg. Et cela durant un galop continu de 15 mn, avec alternance continue d'à-terre, à-cheval. Lors de l'achat, que l'on ne considère donc pas simplement la beauté ou même la robe, mais en premier lieu la morphologie. Même un cheval bon marché et maigre qui remplit les conditions énoncées ci dessus, peut devenir un excellent cheval de voltige s'il est mis entre les mains d'un spécialiste. Ces dispositions influent souvent sur le prix d'achat, mais au reste on les retrouve aussi sur un joli "toquard "

Le galop

Si l'on trouve le bon modèle, on obtient du coup le plus souvent un bon galop. Ce pourquoi il ne faut pas cesser de recommander l'achat d'un cheval de selle. Son dressage en sera facilité (j'y reviendrai ultérieurement d'une façon plus précise). On est alors en mesure d'amener le cheval à s'engager davantage sous la selle. On peut améliorer le galop sur le cercle par une préparation intensive, mais on trouve suffisamment de chevaux qui ont un galop arrondi, avec un bon perçant. Il faut qu'on puisse bien distinguer les trois temps ; correctement enrêné le cheval doit se placer sur l'embouchure, la nuque (entre les oreilles) étant le point le plus haut, et le nez à quatre doigts en avant de la verticale. Lorsque le cheval galope à la longe sur un cercle bien marqué, se place suivant les aides (longe tendue), soulageant l'avant-main et exécute des foulées qui sont bien en mesure, on est bien près du but.

Le tempérament

Dans les compétitions de groupes, on prescrit 15 mn de galop ininterrompu. Le cheval doit offrir une puissance de galop suffisante pour disposer d'une résistance assurée et ne pas être constamment relancé à la chambrière. Ici on peut obtenir beaucoup par l'alimentation et le travail à la longe spécialisé. Les qualités primordiales d'un cheval de voltige sont la condition, la force et la résistance. Bien sûr le propre moteur du cheval doit venir de l'arrière-main. Un cheval d'un bon modèle, même pas très près du sang, peut supporter cela sans fatigue.
Voici le critère : le cheval est en forme quand il continue de lui-même avec entrain, après un certain temps de galop ininterrompu et une longue suite d'exercices, même lorsque les voltigeurs viennent de quitter le cercle.

Le caractère

A vrai dire ce point devrait être mentionné en premier, car c'est le préalable essentiel, aussi bien pour un cheval réservé aux enfants que pour un cheval de compétition. Si tout va bien du côté du modèle, du galop et du tempérament, on est rarement déçu avec le caractère. Il est calme et gentil dans son maniement coutumier, il n'a pas le dos sensible, on dirait qu'il n'a pas de rein, il n'est chatouilleux nulle part, son port de queue reste calme, il n'est pas craintif, il n'a peur ni du bruit ni de ce qu'il voit, il ne mord pas, il ne tape pas...

Oui, chers amis de la voltige, je sais ce que vous pensez en me lisant -mais c'est comme cela qu'il devrait être !

Maintenant, si un seul de ces points fait défaut sur un cheval de concours, eh ! bien, s'il vous plaît, jugez vous-mêmes ! Souvent de braves chevaux sont gâtés par le nombre de voltigeurs, et avant tout par les débutants. Les pointes de pied et les talons (sauts d'entrée, debout à cheval) sont les causes involontaires de la transformation de la queue du cheval en rotor. Ce danger qui a ruiné déjà de bons chevaux de voltige, il faut que le longeur et l'entraîneur le décèlent aussitôt. Et le suppriment !

Le dressage d'un cheval de voltige

La formation d'un cheval de voltige exige de l'instructeur autant de connaissances et de savoir-faire qu'en dressage ou en saut d'obstacle. Il faut à l'instructeur un maximum de connaissances spécialisées dans le travail à la longe...
Si ce n'est pas le cas, il est judicieux de rechercher le concours d'un spécialiste. On doit travailler le cheval sans voltigeur jusqu'à ce qu'il galope correctement à la longe en mesure en équilibre et qu'il demeure décontracté sous les aides. Cela signifie qu'il se laisse envoyer en avant et qu'il obéisse aux arrêts. Il doit apprendre à se mettre au galop, à partir du pas et de l'arrêt et à revenir de même à l'arrêt. Il faut substituer peu à peu des appels de langue à l'action de la chambrière, qui remplace le rein et la jambe. Je voudrais indiquer que les aides pour mettre le cheval en avant au moyen de la chambrière jouent le rôle le plus important. La longueur de la chambrière, 7 m, doit atteindre le cheval du bout de la mèche. L'action continue de la chambrière que l'on voit très fréquemment, même avec des chevaux dressés, n'est pas belle ; elle perturbe le cheval et se révèle inefficace. Toucher une seule fois le cheval sur le postérieur interne, au-dessus du jarret, comme demande d'un galop plus vif et d'un meilleur engagement, est plus efficace que des coups de fouet répétés et sans signification. En équitation on pourrait le comparer avec l'action du rein et de la jambe. Mais c'est déjà dans la formation à la longe qu'il faut veiller à ce que le cheval comprenne les appels de langue pour le lancer en avant. Si l'on veut envoyer le cheval en avant, on fait deux claquements de langue, tout en envoyant la chambrière sur l'endroit décrit. Si le travail est judicieux, on constatera qu'après quelques exercices corrects de cette sorte, le cheval respecte déjà les demandes par appel de langue et allonge son galop avec plus d'entrain.
Cette manière d'envoyer le cheval en avant est d'autant plus nécessaire que plus tard, avec les voltigeurs à cheval, le rythme pourra être mieux maintenu grâce aux appels de langue et risquera moins d'être perturbé que par l'action d'une chambrière. Dans ce travail, les enrênements fixes ont une importance déterminante. Il faut que le cheval soit enrêné de telle sorte qu'il s'incurve sur le cercle. La règle consiste en deux à quatre trous plus courts à l'intérieur. La longueur de l'enrênement est correcte quand le cheval au galop se place sans contrainte sur la rêne, la nuque "entre les oreilles" formant le point le plus élevé et le nez à environ quatre doigts avant la verticale, de même qu'on le voit chez un cheval de dressage bien monté et qui se place correctement sur la main.

En voltige comme en équitation, le cheval au galop doit bien s'engager de l'arrière vers l'avant et doit être suffisamment envoyé en avant pour s'appuyer lui-même sur le mors (enrênement) et tendre lui-même la longe. Il faut qu'on puisse bien reconnaître au galop le rythme montant, bien en mesure, des trois temps. Cela ne peut s'obtenir que si le longeur reste fixé du talon gauche sur une surface de la taille d'un dessous de verre à bière et qu'il tourne autour en cadence du pied droit. On tient la longe, le coude serré contre la hanche gauche, l'avant-bras tendu dans la direction de la bouche du cheval et le poing relevé ce qui reste de la longe est régulièrement lové dans la main gauche, le pouce empêchant que la longe file à travers les doigts. Chambrière dans la main droite, assez haute pour que les voltigeurs n'aient pas à se baisser lorsqu'ils courent vers le cheval, et dirigée vers le haut en direction de la queue. Il faut la maintenir assez haut pour ne pas accrocher celui qui court vers le cheval. La longe doit rester tendue par le cheval et à plat. Il faut recommander l'utilisation d'une longe sans mousqueton tournant, ou, le cas échéant, immobiliser ce mousqueton avec un peu de sparadrap. Une piste ronde d'une égale largeur est la preuve d'un cheval bien longé et dont l'enrênement est correct. Grâce à l'effet d'ensemble des aides, le longeur doit être en mesure de travailler le cheval en cadence et dans un rythme défini.
Envoyer en avant, résister, céder, voilà ce qu'on appelle le demi-arrêt qui est aussi nécessaire pour un cheval de voltige que pour un cheval de dressage. Un demi-arrêt correctement exécuté doit rester invisible et fluide. Envoyer en avant avec la longe, résister dans la main gauche et de nouveau relâcher celle-ci après deux ou trois foulées, voilà qui définit le demi-arrêt.
Tirer constamment, mal à propos sur la longe ou bien toujours en arrière fait que le cheval se traverse et galope sur deux pistes. Il ne trace plus, c'est-à-dire que la marque des sabots arrière ne vient plus dans celle de devant mais à côté. Ce cheval n'est plus équilibré et ne peut plus rien porter correctement. Dans ce cas, une seule correction : envoyer en avant, reprendre, envoyer en avant, reprendre, jusqu'à ce que le cheval trace de nouveau. Si l'on n'y arrive pas, il faut déplacer le cercle dans un coin et que le longeur se place de telle sorte que la piste touche deux fois le pare-bottes. Ainsi le cheval sera contraint de remettre l'arrière-main en place. S'il ne le fait pas tout de suite, persévérance et patience sont nécessaires car le fait de toucher le pare-bottes avec le postérieur externe finira par gêner le cheval. Dans cet exercice, un point essentiel : sans bouger la main, céder souvent en ouvrant et en fermant les doigts.

Si un cheval coupe toujours le cercle à un endroit précis de telle sorte que la longe pende, il est recommandé de changer souvent, dans le manège et en plein air, l'emplacement du cercle. Si l'on n'obtient pas de résultat, porter la pointe de la chambrière devant le cheval, le chasser de la voix, tout en lui claquant la chambrière sous le nez. Agir comme pour l'aide destinée à envoyer en avant : appel de langue-chambrière.

Si le cheval encense, il faut le plus souvent examiner le surfaix et l'enrênement. Lors de sessions de voltige, j'ai personnellement trouvé cinq explications lorsque quelque chose n'allait pas. Surfaix trop peu rembourré et reposant directement sur le garrot ; il faut y remédier en le munissant complètement d'une bande de caoutchouc mousse. Souvent aussi frontal trop court et la têtière sur les oreilles. Souvent aussi il s'agit d'une embouchure bouclée trop serrée, ce qui provoque le galop sur les épaules. Souvent aussi le frottement même léger du surfaix provoque des coups de queue ou des ruades, ce pourquoi encore il faut recommander de munir tout le surfaix de caoutchouc mousse.

Lorsque le cheval et le longeur rempliront l'un et l'autre toutes ces conditions préalables, on pourra commencer l'instruction des voltigeurs


Paul Lorenz
est un longeur allemand qui a enseigné l'art de la longe à beaucoup de pratiquants de son pays et quelques uns du nôtre...
Grand cavalier dans le début des années 50, il revient sur le devant de la scène de 1965 à 1978 avec de nombreux titres de longeur de champions.

 
 
 
Je bosse dur
 
Texte confié par Freddy Bock
(correspondant Voltige d'Alsace) afin d'illustrer "l'étendard de la voltige" périodique mort-né faute d'autres contributions...
 
 
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